Du Moyen Âge à la fin du XVIIe siècle, la pierre philosophale était sans aucun doute l’une des formules les plus convoitées des alchimistes.

Selon la légende, la pierre philosophale était une substance qui s’apparente à une pierre friable rouge, connue pour avoir la capacité de transmuter le plomb en or.

Mais les anciens traités d’alchimie nous enseignent également que cette pierre se comporte comme une médecine universelle, agissant contre tout ce qui nuit au corps humain. Par conséquent, la pierre philosophale serait en mesure d’arrêter la vieillesse en conservant la jeunesse, de revigorer le corps et d’ouvrir l’esprit.

Beaucoup des esprits les plus brillants du monde occidental ont recherché la pierre philosophale au cours des siècles, y compris Isaac Newton qui possédait des liens étroits avec l’ésotérisme.

Mais bien avant Newton, un libraire et notaire français au nom de Nicolas Flamel prétendit en 1382, avoir transformé le plomb en or après avoir décodé un ancien livre d’alchimie avec l’aide d’un savant espagnol familier avec les textes mystiques hébreux connus sous le nom de Kabbale.

Nicolas flamel aurait découvert la pierre philosophale
Nicolas Flamel aurait percé le secret de la Pierre philosophale en 1382. (Image: wikipedia)

Or, les archives historiques montrent que Flamel a acquis une richesse considérable à cette époque et a fait don de ses richesses à des œuvres caritatives.

Aujourd’hui l’alchimie est considérée comme du folklore et a laissé place à la chimie, mais cette science ancestrale laisse derrière elle des écrits qui fascinent les historiens.

Le secret de la pierre philosophale dans un étrange manuscrit.

Tout commence en 2018, Megan Piorko était plongée dans ses recherches pour sa thèse de doctorat sur l’alchimiste et médecin Arthur Dee.

Alors qu’elle exécutait des recherches dans les archives de la bibliothèque nationale de Londres, elle va porter son attention sur un étrange carnet rédigé par Arthur Dee et son père John Dee.

Le manuscrit se compose d’une reliure en tissus et en cuir et comporte 31 feuilles de papier et de parchemins.

Certaines pages semblent incohérentes, tandis que d’autres sont écrites à l’envers, si bien que Piorko a dû retourner le cahier entier pour le lire.

Or, c’est précisément sur l’une de ces pages que l’historienne va porter son attention. Face à elle, un étrange tableau rempli de lettres. Sans le savoir, elle avait entre ses mains le texte codé par les alchimistes renfermant le secret de la pierre philosophale.

La pierre philosophale cryptée à l’aide d’un chiffrement par substitution.

En 2019, Megan Piorko se retrouve lors d’une conférence de la société de l’étude de l’histoire de l’alchimie en présence d’une amie Sarah Leng.

C’est alors que Megan fait part à son ami de son étrange découverte concernant le carnet. 

« Oh, il y a un chiffrement vraiment cool dedans« , et nous l’avons regardé sur mon téléphone », raconte Piorko. ( Source : atlasobscura)

C’est alors qu’elles se plongent dans cet étrange message codé contenant un texte crypté de 117 mots en latin portant le titre « Hermeticae Philosophiae medulla ».

Àu delà du titre tout le reste du document était incohérent et contenait des mots tels qu’ »ozxkwxfg » et « qqdz » et cela, sur plusieurs pages.

« Lang a d’abord essayé de le déchiffrer sur une serviette de table », s’amuse Piorko.

« Je pense qu’il serait en fait possible de déchiffrer le code sur une serviette de table« , a déclaré Mme Lang, « s’il s’agissait d’un code du niveau de chiffrement de l’époque, mais il s’est avéré être un code très bien chiffré« .

Les chiffrements médiévaux « étaient généralement très mauvais », dit Lang. Mais celui-ci n’était pas comme les autres.

Lang en est arrivée à la conclusion que le texte devait être crypté à l’aide d’un chiffrement par substitution.

Cette méthode nous vient d’un duo de savant de la renaissance italienne, Giovanni Della Porta et Giovan Battista Bellaso.

Cette idée lui est venue en se basant sur le tableau, qui aurait nécessité l’application d’un mot-clé au texte.

Par conséquent même si les historiennes étaient parvenues à comprendre la cryptographie du texte, il leur manquait le mot de passe.

Pierre philosophale déchiffrée par une méthode de chiffrement par substitution.
Exemple de chiffrement par substitution (image: Sciences Mystérieuses)

Malgré leurs découvertes, Piorko et Lang se retrouvaient face à un mur. C’est alors qu’elles ont décidé de faire appel à des professionnels du décryptage.

La découverte du mot clé.

Dans le but de décrypter cet étrange code, Piorko et Lang ont reçu l’aide d’un public principalement constitué d’informaticiens et de quelques historiens.

 » Après avoir présenté leurs travaux, Lang et Piorko ont été inondés d’e-mails de cryptologues demandant le texte intégral du code.

Deux célèbres casseurs de code ont tenté de le déchiffrer et n’ont rien trouvé, et Mme Piorko a commencé à craindre qu’une solution ne soit pas trouvée. C’est alors qu’elle a reçu un courriel du mathématicien et cryptologue Richard Bean, chercheur à l’université du Queensland : « Je l’ai résolu !« 

Le mathématicien et cryptologue est parvenu à trouver le mot clé, il a finalement découvert que le mot-clé n’était pas un seul mot, mais une phrase stupéfiante de 45 lettres.

« sic alter Iason aurea felici portabis uellera Colcho ». Traduit en anglais, le texte, emprunté à un poème épique sur Jason et la toison d’or, dit : « comme un nouveau Jason, tu emporteras la toison d’or de l’heureux Colchos ».

Que renferme le texte de la pierre philosophale.

Le texte décodé décrit les procédures spécifiques pour créer l’élixir de vie. Une étape fait allusion au prélèvement d’un « œuf » alchimique dans un four à combustion lente très apprécié des alchimistes et connu sous le nom d’athanor.

Athanator, four apprécié des alchimistes
L’athanor, dans un atelier d’alchimie ( wikipedia )

Dans l’alchimie, le symbole de l’œuf est quasi universel, il symbolise le vase, l’athanor dans lequel s’opère la transmutation de la matière.

Depuis les Gréco-Egyptiens, le processus alchimique de l’Opus fût comparé à un œuf porté à éclosion.

représentation de l'œuf philosophale, élément de la pierre philosophale.
L’œuf philosophale était placée sur une écuelle pleine de cendres ou de sable, et devait être chauffé selon certaines règles dans l’athanor. (Source: Serge Hutin, l’Alchimie/ image: bibliothèque universitaire paris)

D’autres étapes expliquent combien de temps il faut attendre pour que les trois phases alchimiques universelles se produisent.

Si toutes les étapes sont suivies correctement, « alors vous aurez un véritable élixir d’or par la bienveillance duquel toute la misère de la pauvreté est mise en fuite et ceux qui souffrent de n’importe quelle maladie seront restaurés à la santé« , indique le texte.

Il existe déjà des universitaires désireux de recréer l’expérience de Dee.

Selon Piorko, une fois qu’elle aura « une très bonne transcription du texte en clair en latin, puis une traduction en anglais« , l’équipe contactera des collègues qui « travaillent sur l’histoire de l’alchimie et de la chimie, qui sont également diplômés en chimie [et] recréent des expériences alchimiques« , pour voir s’ils peuvent copier la recette de Dee pour la vie éternelle.

Mais l’historienne n’est franchement pas convaincue sur le fait que la formule écrite par Arthur et John Dee débouche sur les prétendues capacités de la pierre philosophale.

Mais il faut savoir que depuis les origines, l’alchimie ou science hermétique utilise des discours à double sens. Un texte contient simultanément un discours exotérique, destiné au « grand public » et un discours ésotérique, destiné aux « initiés ».

Et s’il ne s’agissait là que du discours exotérique ?

Citations: (Atlas Obscura)